TRAIL DU SAINT JACQUES by UTMB
- chevaliermax
- 23 juin
- 9 min de lecture
Dernière mise à jour : 1 juil.
La Bromance Jonathan & Maxime se lance à l'assaut du "Grand Trail" du Saint Jacques (catégorie 100K / au réel 82K pour 3400 de D+) avec pour objectif de se claquer un bel ultra et surtout d'aller gagner des running stones pour les courses de 2026. Le binome sera accompagné des, désormais célèbres, remorques Dubourg pour une assistance de luxe et un pace de fin de course de haute volée. Retour d'expérience caliente des deux trailers sous la canicule du Puy-en-Velay.

"LE TRAIL EST UN SPORT COLLECTIF"
Par Jonathan
Juillet 2024. Barbecue familial en terre Bretonne. C’est sans crier gare qu’entre deux chipolatas et un verre de rosé Maxime me propose de rejoindre le team BROMANCE pour courir le marathon de Paris en avril 2025. J’accepte évidement avec honneur, joie et excitation. La seconde d’avant je n’étais encore qu’un coureur du dimanche, je refuse intérieurement de passer pour un « Pinpin » et, qu’à cela ne tienne, me jette à corps perdu dans ce monde qu’est la course à pied et le trail running.
Septembre 2024. La prépa mijote. Il me faut maintenant ajouter le piment : les dossards. C’est là que Maxime me chauffe pour courir ensemble ce qui sera désormais mon objectif trail de l’année 2025 : le grand trail de la St Jacques format 81 km et 3400 de D+. Restait plus qu’à profiter des 9 mois suivants pour façonner le débutant que je suis en débutant capable de finir proprement son premier ultra. 9 mois durant lesquels j’allais revêtir quelques jolis dossards, réaliser quelques offs, m’entrainer fort et courir un marathon de Paris honorable.

JOUR J. Apres avoir accouché d’une bonne prépa j’attaque « sereinement » le st Jacques. Les 31 degrés à l’ombre annoncés ne m’effraient pas, j’ai mangé de la pluie de la boue et du froid tout l’hiver dans ma forêt de Montmorency. Courir au sec me réjouit. Arme absolue pour aller au combat : Cedric assure notre assistance sur l’avant course, les ravitos, et l’après course. Un confort de « coureur élite » que je vais tester évidement pour la première fois. Concoctés la veille, nos briefs d’avant course de stratégie, de nutrition, de choix de matos, de calcul de temps de passage nous placent Maxime et moi dans des conditions rassurantes. J’ai de la chance de bénéficier des conseils des deux briscards qui ont déjà bien roulé leurs bosses sur des ultras, il est chouchouté le p’ti nouveau.
L’état de flow: KM 1 au KM 28. On attaque gentiment par une belle côte goudronnée sur 1km et 80 de D+, j’actionne le clignotant et double un maximum de monde par l’extérieur sans trop d’effort pour rejoindre le top 4 du sas. Tout de suite à l’aise même si mes 45 balais nécessitent toujours en début de course 5/6 km pour chauffer la machine. Diesel. Les kilomètres défilent, très bonnes sensations. J’attaque la première grosse descente comme un furieux (passion D-). Je l’ignore encore mais je vais bien plus tard payer très cher cette euphorie. Premier ravito « 4 étoiles » situé KM 11 avec un Cedric aux petits soins, tout roule. On plie l’arrêt en quelques secondes juste le temps de m’annoncer que j’ai 2 minutes d’avance sur mon temps de passage prévu, satisfaisant. Max était la il y 7 minutes m’annonce le Ced en regardant sa montre. Merde me dis-je, je vais un peu trop vite. Du calme Jo me dis-je à nouveau. Et bien évidement je repars exactement à la même allure de flow.
Ça grimpe sévère sur 8 bornes mais je maintient une grosse cadence en marche active au point de commencer à rattraper des sas 1. Les jambes sont là, le cardio en aisance. Second ravito au KM 20, Cedric me gère ça façon « scuderia Ferrari » sur le GP Monaco, on prend quand même le temps de se check, petite video, il me confirme que mon temps de passage est respecté à la minute. Un dernier mot pour me rappeler qu’on ne se revoit plus que dans 28 Km et que c’est maintenant que les choses sérieuses commencent: rendez vous au lac du Bouchet dans 4 heures. KM 28 Je me sens (trop) bien, je me sens (trop) beau : 3 bornes full descente de piste en cailloux blanc tabassées par le soleil: je tartine comme un fou. Je commence à sentir mes orteils heurter un peu fort le bout de mes chaussures. KM 31 et 400 mètres de D- plus tard, vives douleurs aux doigts de pieds, j’y suis allé peut être un peu trop fort. le parcours m’offre une occasion de me soulager partiellement, retour au plat et à l’ascension. Comme les problèmes n’arrivent jamais seuls, en plus de sentir mon coeur battre dans chacun de mes orteils je commence à être dégoûté du sucre, mon estomac refuse, mes intestins se manifestent façon syndicats, mon foie se crispe.

LES NEGOCIATIONS KM 31 au KM 48. Ainsi commencèrent le début des tractations.
D’un coté le camp des gentils: mon cardio et mes jambes. De l’autre, Les forces du mal : mes ampoules sous plantaires qui viennent d’exploser au point de sentir mes pieds patauger dans du liquide non identifié, mes orteils qui hurlaient leur souffrance au point d’essayer à chaque foulée de se rétracter en griffes, enfin mon abdomen qui de façon globale me suggère violemment d’aller me faire f**tre. Le juge de paix: Mon mental. Impossible dans la prépa de prévoir ce cas de figure. Mon premier réflexe est d’essayer de convaincre mon cerveau, j’entre en discussion intérieure, j’ignore l’information et, mieux encore, envoie l’information contraire: je ne sens rien, je n’ai pas mal, tout va très bien et pour terminer je me racontes ça à moi même en souriant bêtement. Le cerveau est tout sauf bête. Ce dictateur sanguinaire ne veut rien savoir et reste campé dans son bad mood. Faut pas le prendre pour un idiot. Je dois tenir bon, enchainer les foulées, négocier en aller retour, faire diversion pendant que j’avance, creuser, puiser, m'occuper l’esprit.
Mon cerveau m’aboie: DNF, mon mental répond : plutôt crever que DNF. Ma stratégie se retourne comme une crêpe: avant la course c’était : descentes à bloc, le plat en EF, comme je peux en montée. Désormais: les descentes en gestion façon papi de 90 ans, profiter du plat pour essayer de digérer en marchant, tout donner dans les D+ car les orteils et le bide sont partiellement soulagés. J’arrive au lac du Bouchet à la limite de vouloir finir pieds nus.
Cedric est la, je vais pouvoir lui demander conseil sur la nutrition, je lui dit que le sucre est devenu un ennemi, il me répond « chips »: « game changer » !! Je lui explique en deux mots mes ennuis de panards et je tente le changement de chaussure en y jetant beaucoup d’espoir. Malgré le chantier, je n’ai que 25 minutes de retard sur mes projections. Cedric me dit que ce sera notre dernière assistance ensemble car il doit être « on time » pour Maxime au ravito du 66eme et que, vu l’écart qui se creuse, il ne pourra pas être la sur mon ravito 6. Son assistance jusque là était déjà énorme! Milles mercis mon pote, prochain ravito ce sera TUCS par poignet et improvisation freestyle.
KM 50 à 78 : LA GUERRE. Je repars en marchant sur du plat m’obligeant a essayer de digérer mon sachet de chips, perte énorme de temps mais pas le choix, on me double beaucoup : ça pique le morale. Après le 48eme ça devait être faux plat montants, descentes et au pire une ou deux bosses de square de quartier. Que nenni. DEUX MONSTRES de D+ se dressent entre le km 52 et le km 58, deux énormes côtes au pourcentage à vous faire avancer vers l’arrière. Tout devient difficile. Je continue ma guerre psychologique avec mon corps, les kilomètres défilent doucement. La chaleur plombe mais est reléguée en problème numéro 3. Dans les villages, les habitants sont dehors, nous encouragent, nous arrosent, beaucoup de gentillesses et de bonne humeur, des mômes gèrent les robinets des fontaines publiques, des moments sympas mais faut tracer, pas de temps à perdre.
Ravito de Saint Christophe au 66eme, chips, tucs et tentative de pastèque chaude. Je me rends compte qu’à l’arrêt je titube un peu... mes pieds ne me tiennent plus correctement, je repars vite. Trop de temps perdu, j’ai maintenant 1 heure de retard sur mes prévisions. j’espérais faire un sub 11h00, reste 15 bornes a faire, je m’assoie sur mon chrono le plus optimiste et me fixe un sub 12h00. Manque de lucidité au Km 70 je sors du tracé, m’en rend vite compte mais m’inflige un aller retour inutile de 700 mètres et 40 m de D+. Epreuve mentale supplémentaire. C’est juste un fait de jeux comme disent les footeux. Next. Ravito 7 « Chibottes » km 76.4: « le ravito des damnés ». J’avale 1 litres de Saint-Yorre pendant qu’un mec gerbe ses tripes derrière moi et qu’un autre fait de même derrière la tente des bénévoles, reste 6 kilomètres, dernières ressources mentales, c’est parti mon kiki, terminons cette course.

IL FAUT SAUVER LE SOLDAT RYAN
KM 78, je « bâtone » comme un zombie, un pas après l’autre, juste finir, c’est tout. un faux plat
montant mi béton mi cailloux, le soleil décline sur ma gauche. Quand j’entend mon prénom, je lève la tête, il est la. Cedric vient à ma rencontre pour m’annoncer qu’il va terminer les 3 derniers km à mes cotés, je savais qu’il allait le faire pour Max, je ne m’y attendais pas pour moi. Cela restera de loin le meilleur moment de toute ma course, quasi les larmes aux yeux. Ses quelques mots et sa présence me « reboost » direct!! Je recommence à trottiner. Objectif: finir ces 3 bornes en courant et claquer le sub 12h. Le dernier km nous gratifie d’une master côte qui sous l’euphorie de l’arrivée accompagnée du soutient des copains se fera sans douleur et les jambes légères. Maxime est la pour immortaliser l’arrivée et m’encourager, Cedric m’escortera jusqu’au plus proche possible de l’arche. je termine en 12h07. Max me dira dans la soirée: ça y est, tu peux le dire maintenant: tu es ultra trailer.

Le bilan : une précieuse expérience physique et mentale de course acquise, la découverte d’une belle région, 3 « running stones » dans la besace, 4 ongles de pieds restés dans le fond des godasses, et surtout ma révélation du week end : le trail est un sport collectif.
"QUELLE P*UTAIN D'CHALEUR"
Après une belle déception sur le marathon de Paris, je me remobilise pour faire une prépa conséquente en volume et dénivelé (relative, certes, pour un parisien) et parviens à envoyer une moyenne de 90K / d+ 2300 en moyenne sur 6 semaines. J'arrive donc confiant mais très attentif au plan canicule annoncé, car je souffre énormément de la chaleur. Avec Jonathan, nous sommes rassurés de savoir que Cédric sera à nos côtés pour l'assistance, et son rôle va être, comme souvent, déterminant pour la réussite de la course.
Départ de Monistrol d'Allier, 8h30, la température affiche déjà 20 degrés, ca va être coton. Cette première partie passe bien, et je rallie Saint Privat (11,5K / d+ 622) à un rythme cool, en 1h12, légèrement en avance sur mes prévisions. Cédric est là, on remplit les gourdes et ca repart rapidement. Direction Saint Jean Lachalm avec une portion de 9K / d+ 700 pour rallier le ravito. La température grimpe, il commence à faire très chaud, et j'arrive donc au 20ème toujours un peu en avance sur les temps de passage où Cédric est à nouveau présent pour les encouragements, la crème solaire, et le remplissage de gourde. Ca fait un bien fou de voir le copain, sachant qu'ensuite, on ne reverra qu'au 48ème, donc presque 30K plus loin.
La 3ème portion (12,2K / d+ 460) nous emmène à Alleyras, ca y est la caniule est bien en place. Je parviens à imprimer un rythme correct pour franchir ce pallier (32K / D+ 1800 depuis le départ) en 3h59, et décide de garder une allure soutenue sur le plat, plus cool en ascension et descente pour ne pas se cramer. C'était évidemment sans compter sur le thermomètre qui ne cesse de grimper pour la partie la plus délicate et redoutée du parcours (16K / d+ 800) pendant laquelle le terrain devient plus technique, plus abrupte, et la chaleur devient quasi insupportable. Je suis contraint de m'arreter plusieurs fois pour marcher , reprendre mon souffle et surtout essayer de ventiler pour se rendre au lac du Bouchet (48K / d+ 2600 depuis le départ). C'est clairement le moment charnière de la course, car la température est à son climax, et tout le monde subit énormément. En effet, je récupère pas mal de monde, puisque un nombre conséquent de coureur met le cligno pour faire une pause à l'ombre et/ou aux abords des points d'eau.

Une pause s'impose, je prends 5 bonnes minutes pour me rafraichir, boire du frais, manger des yaourts car plus grand chose ne passe. Cédric est là, comme toujours, trouve les bons mots et conseils pour me faire repartir assez vite. Direction donc Saint Christophe (66K / d+ 3000) où le pattern avec mon bro se répète : même discours, même motivation, même pit stop. Check du chrono : 8h39, soit 15' de retard sur les prévisions. Pas grave, il faut terminer.
Je continue tant bien que mal, accablé par la chaleur étouffante, et à ma grande surprise, Cédric a laissé sa casquette d'assistance pour me rejoindre à quelques kms de la ligne d'arrivée pour terminer ensemble : quel plaisir, quel soulagement de le savoir à mes côtés. On relance tant bien que mal sur les 3-4 derniers kms, la dernière ascension est une torture absolue. Puis enfin, la ligne est franchie en 10h44.
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