Après 3 reports (Avril 20 / Oct 20 / Avril 21) à cause de la situation sanitaire, l’Ultra Trail de Madère a eu lieu dans de superbes conditions, avec un parcours de grande qualité, des paysages incroyables et des bénévoles aux petits soins.
Le trio Colin, Guillaume et Maxime qui avait déjà officié à Serre Chevalier en Septembre, se rend donc sur l’Ile de CR7 et s’engage sur le format 85kms / d+ 4900. Ils sont accompagnés par l’exceptionnelle Chloé dont l’assistance 5 étoiles a permis aux coureurs de se concentrer sur ce qu’ils savent mieux faire : courir avec panache !

COLIN / 7ème en 11h49
Après de longs mois de négociation avec l'organisation, impossible d'avoir un dossard sur cette édition reportée de 2020. Peu importe, je m'entraîne comme si j'en avais un et j'y crois jusqu'au bout. Arrivé sur place, à Madère, encore beaucoup d'incertitude : est-ce que je vais vraiment pouvoir prendre le départ ? Heureusement pour moi, le grand Cédric Fabulet n'avait pas annulé son dossard et je réussi donc à le retirer en son nom. Soulagement. Je ne courrai pas en mon nom, mais peu importe, je pourrai prendre le départ en règle.
Samedi 20 novembre, 7h : le départ est donné, l'aventure peut commencer.
Après un départ très prudent (comme à mon habitude...), je rejoins le premier point d'assistance tout en contrôle où ma Chloé m'attend pour un premier pit stop. Tant sur le plan psychologique que celui de la rapidité, l'impact d'une assistance sur la longue distance est juste énorme. Chloé et moi on se connait par cœur. En un regard on se comprend. Changements de flasques, 2-3 trucs gorgées de powerade et ça repart. Charles Leclerc en sueur face à la rapidité de la manœuvre.
Toujours prudent et en gestion jusqu'au ravito suivant, j'arrive serein en bas de la plus grosse ascension de la course, au km 30. C'est parti pour 1300m sur environ 9km. Et là ça pique. C'est là que je perds le plus de temps. Je décide donc de prendre un peu plus de temps à l'assistance n°3 après une longue descente. Je suis 8ème. Je m'alimente et m'hydrate comme il faut, et ça repart. 2km plus loin, je me trompe sur 200m. Assez vénère mais c'est comme ça.

Ensuite commence une course poursuite avec une Norvégienne du team Adidas qui m'avait repris au ravito précédent. Je la rejoins en arrivant sur l'assistance n°4. Même pas le temps de boire 2 gorgées de soupe qu'elle est déjà repartie. Bouge, pas j'arrive miss. Je repars environ 30" derrière elle, et la rattrape au bout de 2km. Là, je vois qu'elle n'a pas un rythme très élevé. Je regarde ma montre : 76km. Ok, il en reste 9 théoriquement, je la bouffe en descente technique et sur le plat. Lessgo, je passe maintenant. Je la distance très vite et revient même sur 2 gars de ma course. Je suis donc 6ème. Je regarde ma montre : 81km. Je me dis "ok 4kil, personne revient, je finis 6".
Puis petit à petit je me rends compte que la distance sur ma montre n'est pas exact, et j'aurai 4km de plus à l'arrivée. Fissure du mental quand je vois la mer trrrrès loin alors que je suis à 85km sur la montre. La norvégienne revient fort, et me mettra 2' en 2km . Merci suunto pour le kilométrage incohérent. Je termine donc 7ème scratch en 11h49. Plutôt satisfait pour une première sur du long. Merci Madère, merci Bromance, merci Chloé (la boss). Maintenant cap sur la saison 2022 qui commence à bien se dessiner.

GUILLAUME / 15ème en 13h13
Le projet du MIUT est sûrement celui qui s’est fait le plus attendre… Après l’annulation de l’édition d’Avril 2020 pour laquelle j’étais en train de finir une très bonne prépa, il a fallu patienter, se maintenir en forme, sortir d’autres projets et recommencer une prépa pour cette édition de Novembre 2021. Une équipe réduite et inédite débarque à Madère avec Colin, Max et Chloé pour assurer notre assistance. Les premières impressions de l’île me laissent sans voix tant ces montagnes abrupt donnent l’impression de sortir de l’océan pour rejoindre le ciel. Le chantier va être à la hauteur de l’attente. Après la désillusion de la Sainte Baume (dnf) j’avais vraiment à cœur de réussir cette objectif de l’année.

Départ 7h à la frontale, silence et concentration dans le peloton. Je me place dans les 30 avec Max et met en place mon plan de course dans la plus grande des sérénités. Les sensations devaient me guider sur cette course, chaque montée à une allure tranquille à la limite de me chauffer les cuisses, pas plus. J’aborde les descentes avec un soupçon de concentration supplémentaire en essayant d’être le plus léger possible. Sur les portions de plat, j’avais confiance en mon endurance, je me laissais dérouler sans me rentrer dedans. Les paysages sont incroyables, parfois très tropicaux.

Chloe a joué un rôle majeur aux ravitos. Toujours calme, organisée, les mots justes qui rassurent et motivent, j’avais l’impression d’arriver dans mon vestiaire à chaque check point. C’est un atout considérable sur un format long d’avoir une équipe comme la nôtre ! Tout fonctionne parfaitement jusqu’au 50eme où je décide de passer à la phase 2. La dernière montée de 600d+ puis 20k de descente. J’avale la montée en remontant quelques places, les cuisses brûlent mais c’est la dernière. L’état d’esprit n’est plus le même, je commence réellement la course contre les autres.

Arrivé au somment, c’est le mental qui rentre en scène pour aborder cette portion de descente qui n’est pas mon fort. Heureusement, pas très technique mais parfois piegeuse. Mes jambes sont fraîches, je déroule et remonte encore 2-3 places avant la nuit. Je sors la frontale alors qu’il ne reste plus que 15k de course, toujours aussi serein, frais et motivé. La nuit me donne toujours cette illusion de vitesse qui fait un bien fou à la tête, je vois au loin les lumières de Machico et passe la ligne en 13h13 et à la 15eme place.

MAXIME / 19ème en 13h47
Cela fait près de 18 mois que nous attendions de nous rendre à Madère pour courir le fameux MIUT, considéré comme un des plus bel ultra du circuit. Direction donc l'ile au large du Portugal sur le format 85 kms avec les deux éphèbes du trail parisien, et une nouvelle venue, Chloé, dont le rôle va nous permettre de performer comme jamais. La distance et le dénivelé positif sont effrayants puisque nous n'avons pas couru autant depuis la Maxi Race, et l'étude des temps de passage / chrono des athlètes élites ne sont pas rassurants. Cependant, la prépa a été sérieuse même si ca manque un peu de volume et je prends le départ avec une "stratégie" simple : ne pas se cramer, gérer mon effort sur le plat et surtout en descente.

Départ 7h de Sao Vicente, sans pression, avec comme seul motto : la gestion. Comme souvent, Colin part devant avec les Elites, et comme d'habitude nous imprimons le même rythme avec mon Bro, Binôme, sparring partner, le Duc du 18ème, Guillaume D'Haene Saez qui pour une fois n'a pas mis un bob dégueu.
Les 10 premiers kilos, nous jouons au chat et à la souris, et nous tenons à distance raisonnable avant d'arriver ensemble au premier ravito, petit coup d'oeil dans le rétro, Guillaume est là, on continue ! Il prend de l'avance dans l'ascension vers Encumeada et nous nous retrouvons au ravito du 14ème où la formidable Chloé a sorti le combo magique "pompotes / snickers / tucs". Nous comprenons tout de suite que le fait de bénéficier d'une assistance aussi quali va changer complètement notre manière d'appréhender la course. On rempli les sacs, c'est parti pour 14kms et 900 de d+, les choses sérieuses commencent.

Ce segment permet aux élites de creuser l'écart avec le top 20, dont nous faisons parti, et de créer des petits groupes de 2-3. Les premières douleurs font leur apparition et après m'être accroché, je fini par laisser filer Guillaume que je perds de vue. Ca monte, ca descend, le terrain change beaucoup entre sous bois, sentier, route bétonnée. Ca continue de grimper et j'arrive au ravito du 28ème plutôt entamé, mais surprise, Guillaume termine de se ravitailler et Chloé m'accueille avec un grand sourire et quelques mots qui remontent le moral. Ca repart rapidement pour la plus grande difficulté, sur le papier, et l'ascension vers le Pico Ruivo 10kms et 1300 de d+. Finalement, je ne m'en sors pas si mal et atteint le sommet en 2h30 où je retrouve une nouvelle fois Guillaume qui termine son encas avant de filer.

Nous entamons un passage incroyable, à flan de falaise, les nuages sont bas, tout est gris façon Mordor, nous ne distinguons pas grand chose, le sol est humide, les randonneurs sont très nombreux ce qui nous oblige à slalomer, ca monte, ca descend. Je perds beaucoup d'énergie puis chute lourdement ce qui provoque un début de crampe et grosse plaie ouverte à la main droite avant de rejoindre le dernier ravito de Chao où Chloé (5 étoiles sur Tripadvisor) m'attend. J'aperçois une nouvelle fois Guillaume mais suis un peu sonné et les quelques minutes passées avec notre hôte me redonnent du courage pour se lancer sur la portion qui va me tuer : le segment vers Poiso (9kms pour 600 de d+). Arrivé au 58ème kilomètre, pas de Guillaume au ravito, la nuit tombe, et les jambes me font comprendre qu'elles sont en activités depuis 10h20, je suis dans le dur.
Je parviens à me remobiliser sur les 8 kilos qui suivent, puis entre le ravito du 66ème et 71, c'est le trou noir, plus aucun jus, je marche, ne vois plus rien, ma frontale est trop serrée et me fait un mal de chiennnnnnn. Le salut arrive au dernier ravito à Larano que j'atteins en 12h20. Il reste un peu plus de 12 kms, je dois tout faire pour arriver en moins de 14h. Ca sert les dents, je desserre la frontale et m'arme de courage, alors que mon oeil gauche se voile à nouveau, pour rejoindre les bros le plus rapidement possible. Sur les derniers kilos de plat et descente, je reprends une petite dizaine de coureurs du 60 et 115 kms avant franchis la ligne d'arrivée en 13h47 sous les applaudissements de ma team de choc.

CHLOE / 5 étoiles au guide Michelin
Sur les 85km de parcours, en plus des 8 zones de ravitaillement, 4 espaces officiels ont été prévus pour l’assistance personnelle. Une organisation irréprochable, à des endroits stratégiques, accessibles et bien indiqués pour les +1 qui s’engagent dans l’aventure de l’assistance. Un luxe pour moi qui ai l’habitude de gérer ce genre de défi de façon autonome...

La première assistance est prévue au 15eme km. Les garçons sont partis depuis 2h, et je me demande dans quel état je vais les trouver. Colin arrive vite, il talonne Marion Delespierre, première femme, il a le sourire et il me dit « je ne sais pas ce qu’il se passe mais là mais je te jure que je suis facile ». J’adore ce moment. Chaque seconde compte et on le sait, vu son état ce point d’assistance-là doit être express car il peut lui faire gagner un temps précieux sur les autres, alors les gestes sont rapides et complices. Compote, Magnésium, Powerade, Salut à bientôt. Dans ces moments, je sais que ma présence peut faire la différence mais il faut bien trouver quelles cartes jouer : motiver, rassurer, parler, soigner ? Sur celui-là, c’était l’efficacité. Défi relevé.
D’habitude, c’est toujours frustrant de le voir repartir. Des heures à conduire et à attendre avec tension pour 30 secondes d’interaction... mais cette fois la perspective d’enchaîner avec Guillaume et Max est géniale. Pas le temps de se poser trop de question. Et cerise sur le gâteau, les deux arrivent rapidement, ensemble, contents, en forme et motivés. Leur bonne humeur fait du bien. Ils sont heureux d’être là et c’est beau. Je repars au deuxième point d’assistance rassurée et fière d’être là avec de telles pointures.

Sur les 3 autres points d’assistance, la mécanique est à peu près la même. Des tables, des chaises et un toit où se rassemblent à chaque fois une dizaine de supporters l’air fatigués, frigorifiés et tendus qui regardent avec amour le balisage au loin en espérant voir arriver très vite leur athlète préféré. Ils leur rempliront leurs gourdes, leur masseront les pieds, écouteront leur débrief rapide entre deux Tucs dévorés dans la précipitation. Et après avoir reçu son lot d’encouragement, l’athlète repartira repu. Ça sent l’amour, l’investissement, le soutien, la tension, l’appréhension et le soulagement. J’adore.
J’appréhende toujours le moment où j’en verrai un arriver mal en point, où il faudra faire face, impuissante, à la blessure physique ou mentale, à la fatigue, au froid, à l’hypo ou à l’envie d’abandonner. Mais à chaque fois c’est le rêve, ils sont tous les 3 très en forme. Colin est bien, concentré sur son classement, sur ses temps de passage et ceux de la norvégienne qu’il ne veut pas laisser s’échapper. On mise sur la complicité pour jouer l’efficacité. Max et Guillaume sont souriants, contents de me voir, ils profitent de la course, ils me racontent, ils se gèrent seuls... Je me sens un peu inutile mais eux disent le contraire. Alors je profite de chaque moment.
Pour moi ce premier MIUT c’est d’abord la déception de ne pas avoir réussi à faire courir Colin en son nom. Puis finalement, ce premier MIUT c’est surtout la découverte de paysages extraordinaires, la bonne surprise d’une organisation qui rend l’assistance personnelle pratique et facilitée, et c’est la rencontre avec Bromance. Max et Guillaume viennent pour kiffer, pour profiter, pour se dépasser, pour faire des blagues, rire entre potes et boire quelques bières. C’est pas la médaille qui compte même s’ils repartent avec, c’est pas la perf même s’ils montent sur le podium. Bref, ils ne sont pas là pour être applaudis ou admirés, mais pour vivre des moments hors du commun qu’ils ont bien mérités. Faire l’assistance, c’est souvent devoir gérer du stress, de la mauvaise humeur, de la fatigue, des plaintes légitimes. Là c’était gérer du rire, du kiff, du plaisir et de la légèreté. Merci pour ça les gars.

Ce premier MIUT c’est aussi le bonheur d’accompagner Colin. Jamais vu un mental comme le sien. Jamais connu une passion comme la sienne. Ce plaisir fou d’être sa deuxième daronne. Merci à toi de m’avoir choisie, et... l’histoire n’est pas finie.
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